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tique contre des formules. L’individualiste a jugé la Société qui ne repose que sur l’égoïsme et l’exploitation de l’homme ; il sait que l’argent en est la clé de voûte. Il va donc s’attaquer à la seule puissance du jour : le Coffre-fort. Et cela par tous les moyens.

Et l’individualiste aboutit à l’illégalisme.

Cette théorie de l’illégalisme est plus vieille que les anarchistes eux-mêmes. Mais il semble bien qu’elle ait pris consistance et se soit répandue dans leurs groupes avec le lancement du journal l’Anarchie fondé par le compagnon Albert Libertad, en l’année 1906. Ce Libertad était un type des plus curieux, venu de Bordeaux, en mendiant sur les routes et qui conquit une certaine célébrité en provoquant un scandale au Sacré-Cœur où il prétendait contredire le prédicateur. Après bien des aventures, il vint s’installer dans un petit local de Montmartre où, grâce à ses économies et le produit de quelques collectes, il monta une imprimerie embryonnaire. Il avait avec lui, deux compagnes, toutes deux anciennes institutrices qui l’aidaient dans sa besogne et quelques typographes qui, le soir venu, après leur labeur, lui donnaient un coup de main.

M. André Colomer, dans un livre véhément et d’un talent brutal, dont le titre est tout un programme : À nous deux ! Patrie ! parle longuement de Libertad. Il en parle même avec enthousiasme. Je lui emprunte les lignes qui suivent :

« C’était un étrange cynique. Il venait on ne