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ment. Mais je demeurais dans le doute. Cruelles heures d’anxiété. Des pas nombreux sur les dalles de mon couloir. On vient de s’arrêter devant ma porte. J’entends une voix.

— On commence par celui-ci ? demande quelqu’un.

Celui-ci, c’est moi.

On ouvre ma porte. Alors s’avance un homme que je ne connais pas.

— Je vous annonce une bonne nouvelle, dit-il lentement. Vous êtes gracié…

Je le remercie sans trop savoir ce que je dis. Et je me lève. Je me trouve en présence de M. Gilbert, qui m’adresse de bonnes paroles. Puis, c’est le directeur de la Santé :

— Couchez-vous, me conseille-t-il, ce n’est pas pour vous.

Me coucher ! Toujours la note comique dans les pires tragédies. Après ça, le directeur s’informe auprès de M. Gilbert si je suis bien l’unique gracié.

Je suis le seul qui échappe. Je tremble.

Puis, tous deux s’en vont.

On ferme ma porte.

J’entends les pas qui s’éloignent. Callemin, Soudy et Monnier sont logés dans les cellules qui précèdent la mienne. Ils figurent certainement dans le cortège macabre, car on est entré dans les quatre cellules, à peu près en même temps.

Je tourne comme un fauve dans mon cachot. Je ne vois plus mes deux inspecteurs qui semblent vouloir respecter ma douleur.

Mais je vois, oh oui ! je vois mes malheureux coaccusés en route pour l’échafaud. Je les vois, comme si j’y étais. Je vois leurs têtes qui tombent, surtout la tête de Callemin, qui fait une grimace dans la sciure. Je vois le sang qui gicle. Je vois tout, tout… Terrible lucidité de l’imagination. Une faiblesse me prend. Je m’appuie au mur et j’aperçois les deux inspecteurs, très pâles, et qui me regardent.

L’orgueil est alors plus fort que la faiblesse.

Je bois un grand bol d’eau pour provoquer une réaction. Je veux manger aussi, dans la même intention, et ne trouve qu’une croûte de pain dur oubliée sur ma planche. Je la dévore. Cela me permet de me tenir debout quand on rouvre ma porte. Ce sont les inspecteurs, gardiens, médecins qui ont accompagné Callemin, Monnier et Soudy jusqu’à l’écha-