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fort suggestives et qui expliquent mieux que toutes les phrases l’âme des bandits.

C’était un peu après l’attentat de la rue Ordener. On ne connaissait pas encore ceux que, l’opinion publique considérait comme des bandits sanguinaires et que l’anarchiste Kibaltchiche qualifiait de « gamins féroces ». Dans les milieux anarchistes, même, on n’en savait pas davantage. On se disait, simplement, qu’il s’agissait d’illégalistes. Mais lesquels ?

Le journal l’Anarchie était alors installé rue Fessart. Les beaux jours de Romainville s’évanouissaient dans le passé.

    dive tardive de la nuit. Je m’arrêtai sous une lampe à arc, et lui dis, en le regardant dans les yeux :

    « — Bonnot c’est donc pour cela que tu es venu. Or apprend que Fromentin n’est pas du tout un illégal. Il s’en fout. Anarchiste idéaliste comme Reclus, il a toutes ses relations dans le monde artistique, littéraire, scientifique et le monde des affaires… Pour moi, je m’en tiens à ce que je t’ai dit l’autre jour de l’hospitalité. Je le ferai comme je l’ai promis. Rien de plus. »

    Bonnot n’insista plus. Mais, quelques jours après, il se mélangeait aux camarades de Romainville. Il fit là la connaissance de Callemin, de Carouy, de Garnier…

    Contrairement à ce qu’on affirme, Bonnot ne fut pas le véritable chef de la bande. L’animateur était Callemin dit Raymond-la-Science. Il ne fut pas davantage aussi sanguinaire qu’on l’a cru. Mais il voulait de l’argent, vite et par tous les moyens. Il se souciait fort peu des théories anarchistes. Son rêve était de se retirer à la campagne, avec sa maîtresse, après fortune faite.

    Mais c’était un individu d’une indomptable énergie, soulevé par l’instinct de la révolte. Chose curieuse : il avait poussé jusqu’à son paroxysme la haine du policier. Cela venait de ce qu’un jour, les agents l’avaient durement passé à tabac. Il ne pouvait apercevoir un « flic » sans avoir la tentation de se jeter sur lui, et l’on dut, plus d’une fois, le retenir pour l’empêcher de faire des sottises.