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On vit entrer, dans la salle, un personnage inconnu. Visage long et osseux, aux poils roux, à la bouche crispée et douloureuse. Véritable évocation de Poil-de-Carotte. Il demanda à lire quelques pages. Et ce qu’il lut, c’était de l’Anatole France de derrière les fagots. Puis il récita des poésies de Jehan Rictus : L’Hiver, Le Piège, Le Revenant

C’était la deuxième ou troisième fois qu’il osait entrer dans cette salle. Il semblait terriblement timide. Il parlait peu. On l’invita à se rendre à Romainville à la colonie. Il répondit à peine, par monosyllabes.

Peu à peu, pourtant, il s’amadoua, prit part aux discussions. Alors il s’animait. Son masque se révélait brutal, tragique même. En le poussant, on le devinait plus instruit que la plupart des habitués de l’Anarchie et d’une éducation différente.

Il a joué un rôle assez effacé dans l’histoire des bandits et, sans la lutte qu’il soutint à côté de Garnier toute une nuit, on l’aurait considéré comme un comparse sans grand intérêt. C’était, cependant, une des physionomies les plus attachantes de ce milieu bizarre où toutes les monstruosités se coudoyaient, où le grotesque se mêlait au sublime (le mot n’est pas trop fort). Et, parmi bien des intelligences remarquables qui se réunissaient dans les locaux d’un petit journal anarchiste, Valet trouvait le moyen de s’imposer.