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Il en sortit aussi le cœur plein de haine, décidé à toutes les révoltes.

Rirette Maîtrejean nourrissait pour cette triste épave une tendresse de grande sœur. Elle réussit, avec beaucoup de peine, à le faire entrer au sanatorium de Brévannes. Mais il y demeura quelque temps à peine. Il revint à Paris, déclarant en riant qu’il avait divorcé avec ses infirmiers pour incompatibilité d’humeur.

Il était, en effet, demeuré gamin. L’auteur de cet avant-propos, qui a connu quelques-uns des personnages de ce récit, heurtait quelquefois l’anarchiste Soudy dans les réunions publiques. Il se souvient d’un meeting, hôtel des Sociétés Savantes, où des hommes politiques notoires et des professeurs prenaient la parole. Il était placé au premier étage, au fond de la salle. Un vieux monsieur pérorait depuis quelques instants, lorsqu’une voix aiguë s’éleva à côté de lui, lançant dans le silence :

— Vous êtes une bille[1] !

C’était Soudy qui manifestait son opinion. La salle se mit à rire. L’orateur, interloqué, s’interrompit un instant, puis précipita sa péroraison.

Un deuxième orateur prit sa place.

Il venait à peine de débuter lorsque la même voix aiguë fit entendre :

— Vous êtes une deuxième bille.

  1. Bille : mot d’argot, peu usité aujourd’hui, qui signifie : imbécile, crétin, ballot…