Page:Méric - Les Bandits tragiques.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seul. Il professait pour la science un amour exclusif, et pour les femmes un dédain supérieur. Mais il cachait, tout au fond de lui même, une cruelle blessure. Ceux qui le connaissaient bien le savaient tendre et sentimental et il leur arrivait de le taquiner à propos d’une aventure d’amour, tout un roman vécu à Bruxelles.

À la Bibliothèque Royale qu’il fréquentait assidûment, le jeune Raymond avait fait la connaissance d’une étudiante russe. Ils ne tardèrent pas à s’aimer. Mais c’était d’un amour assez platonique. Il y eut entre eux beaucoup plus commerce d’idées que promenades au clair de lune. Cela dura quelque temps. Puis, la petite étudiante russe dut repartir pour Moscou. Alors Callemin fut désespéré. Il se montra inconsolable. Lui, le scientifique, pleurait comme le premier amant venu et, circonstance aggravante, il se livrait à la poésie, rimant des strophes à l’adorée. Mais, à Paris, il prétendait s’être cuirassé contre ce qu’il considérait comme des faiblesses indignes d’un véritable anarchiste. Et, là encore, le malheureux s’abusait.

Après l’attentat de la rue Ordener, il se trouvait presque sans argent, sans domicile, sachant que sa tête était promise au bourreau. Il avait quelque peu perdu de sa superbe et l’intraitable Raymond la Science commençait à faire des concessions à ses principes rigoureux. Une femme passa. Elle excusa et comprit tout. Elle fit mieux. Elle le glorifia.