plus simple. Libertad mourut des suites de coups portés par les policiers qui le traînèrent sur les marches d’un escalier, à Montmartre. Quant à sa sagesse, son éloquence, sa foi, c’était un pauvre diable sans grande culture, doué d’une inlassable faconde et doutant si peu de lui-même qu’il ne craignait pas de pérorer sur tous sujets. Cela n’enlève rien à ses qualités réelles d’audace et d’entraîneur d’hommes. Mais à vouloir trop l’idéaliser, on ne pouvait que le déformer. Demeurons véridique. L’auteur de ce volume qui connu Libertad de très près, à l’époque où il était secrétaire de la rédaction du Libertaire (poste éminent auquel lui succéda Miguel Almereyda) rencontra, un soir, l’Apôtre place Clichy ! Tous deux causèrent.
— Je m’en vais, dit Libertad, faire une causerie, aux Épinettes, sur le bon curé de Meudon.
Il prononçait « Meu… euh… don » avec son savoureux accent bordelais. Je lui répondis alors :
— Ah !… Ah… Rabelais… c’est bien, ça… Et qu’est-ce que tu vas dire sur lui.
— Je vais le présenter comme un révolté, comme le père intellectuel des anarchistes…
Rabelais anarchiste… Hum !… Je tiquai un peu. Puis :
— Mais, vraiment, entre nous, tu l’as lu, ce qui s’appelle lu, Rabelais ?
Libertad ne se démonta point.
— Je ne l’ai pas lu, dit-il… Mais on me l’a expliqué. Et je sais à quoi m’en tenir.