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depuis les débuts — et qui sait ? bien avant peut-être — un total incalculable de jeunes gens. Cela sans bruit, sans se préoccuper du sort des sociétés humaines qu’il méprise férocement…

Qu’est-ce qui craque dans ma tête ? Une vague d’horreur m’assaille. J’en suis à me demander si, vraiment, toute cette histoire ne se déroule pas dans une maison d’aliénés, et si moi-même… Je me tourne vers les autres. Néer est livide et ses doigts tremblent. Mes yeux rencontrent les siens. Éclair fugitif. Ses paupières se plissent.

— Alors, alors, éclate la voix d’Ugolin, à quoi devais-je me résoudre ? Je n’avais pas voulu cela, vous le savez. On ne veut jamais cela, ce qui se produit d’imprévu, d’inimaginé, et qui demeure, cependant, dans la logique de ce qu’on a conçu et préparé. Mais on échoue devant l’irrémédiable. La conquête de la vie croulant dans cette absorption écœurante ! Puis mon ratage, la cécité survenant tout à coup et nous menaçant tous, la cécité préludant à toute la gamme des maux irréparables, avec la peur, l’affreuse peur de la mort au bout. Ah ! non ! Plutôt se libérer pendant qu’il en est temps encore. Plutôt s’en aller alors qu’il vous reste encore une intelligence intacte. Mais avant de se résigner au grand plongeon, libérer aussi les autres…

Il est presque debout sur son lit et, dans ses yeux où la clarté est prisonnière, il y a des phosphorescences.

— Oui, libérer les autres, ceux qui viennent, nos enfants… leur redonner leur conscience, leur libre arbitre dont ils feront tel usage qu’il leur plaira. Et j’ai