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entend toujours le vieil homme. J’évoque, une fois de plus, les revendications puériles de mes contemporains de l’an 1935. La machine à l’ouvrier ! La direction et la gestion de l’industrie aux mains des prolétaires ! Utopies enfantines. Il n’y a plus aujourd’hui de prolétariat. La vie sociale ne nécessite nullement ces vastes agglomérations fumantes et trépidantes où agonisaient tant d’individus qui, aussi bien en haut qu’en bas de l’échelle, employeurs ou salariés, ignoraient toute sécurité, s’épiaient les uns les autres, inexorablement opposés dans leurs intérêts, leurs ambitions, leur cupidité. Le vent de l’incertitude soufflait alors sur tous les fronts. Maintenant les énergies éparses dans l’univers sont utilisées pour le bien-être commun et leur emploi judicieux réduit le machinisme d’antan à sa plus simple expression.

Ugolin sait comment on emprunte à l’atmosphère, à l’eau, à la matière inerte, les forces qui actionnent, avec le minimum de main-d’œuvre, les avisettes, les véhicules de transportation, les instruments de construction… Les inventions se sont succédé, ruinant de plus en plus l’effort des muscles. La nature est à peu près domestiquée. Les saisons n’ont aucun effet sur le rendement de l’agriculture : fruits, légumes, fleurs, poussent, s’épanouissent sans douleur quand on le veut, à l’heure qu’on a indiquée. Ugolin provoque la pluie à son gré, emmagasine le soleil, détourne les cours d’eau. Mais, en bas, il y a toujours les manœuvres qui peinent, les brutes dont les bras sont indispensables. Et cela, c’est le souci constant de l’Élite régnante, en dépit des assurances du Maître, qui espère tout de l’avenir.