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ne fut plus, comme autrefois, le simple auxiliaire de la machine ; il s’improvisa rapidement le surveillant attentif et conscient des choses. La main-d’œuvre se raréfia et l’employé (on ne disait plus le travailleur) bénéficia d’appréciables loisirs. Il ne songeait plus à se plaindre. Quelques heures de surveillance par jour et son labeur était terminé. Après quoi, il pouvait, en toute tranquillité, vaquer à ses propres occupations, s’adonner à des travaux de son choix et aux jeux… Était-ce le paradis social ? Non, car, au-dessous des neutrides et des stérilisés, se trouvaient, dans les couches profondes, pour les indispensables bas travaux, des cohortes d’esclaves raflés parmi les races jugées inférieures qu’on laissait volontairement mijoter dans leur crasseuse ignorance et qu’on désignait sous l’appellation de « mangeurs de viande ».

Il faut qu’on sache que, lentement, Ugolin avait supprimé du régime alimentaire de ses semblables, tout ce qui touchait à la chair animale. La chimie présidait à la cuisine. Malgré tout, la bête comestible n’échappait pas à son sort, mais une préparation scientifique modifiait ses produits et sous-produits qu’on servait sous les formes les plus variées et de telle façon qu’il devenait difficile d’établir leurs origines. Les déchets restaient le monopole des esclaves tueurs et vidangeurs-mangeurs de viande, excrément de la société. Ces ilotes carnivores étaient la plaie du monde nouveau. Mais Ugolin énonçait qu’il n’y avait point de corps social sans les cellules basses.

Il m’arrive trop souvent, on l’a vu, de rebondir en arrière. On a beau se renouveler, faire peau neuve, on