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a conclu à la dissociation des jeunes corps sous l’influence d’une force encore inconnue.

Je ne partage point cette opinion recueillie par les sages, qui l’ont surtout acceptée pour calmer leur angoisse devant l’inexplicable, imitant en cela la folle inconséquence de l’autruche qui fuit le danger, sa tête dans le sable (neuve image). Le doute surnage en moi. Mais je garde la conviction que, s’il m’était donné de lire clairement dans les yeux de Judith, toute la vérité surgirait, lumineuse et écrasante.

Cette fin de journée de septembre, je me suis assis sur un rocher face au troupeau de vagues écumantes, qui, d’une marche sûre, se ruent à l’assaut. J’ai déserté Meudon et entraîné Judith sur les hauteurs du Mont-Saint-Michel. L’antique citadelle est toujours la même, sombre vestige d’un passé sanglant, enveloppée de mysticisme, dressant son insolence sur la nappe verte et grise de l’infini liquide. Elle s’érige, majestueuse et désolante, sous le ciel bas, tacheté de plaques livides. C’est là que des moines guerriers soutinrent, durant des siècles, d’horribles combats contre la féodalité, contre la royauté, contre l’Anglais, contre le Diable. C’est là que des prophètes habités par l’utopie vinrent expier leurs blasphèmes, entre les aspérités humides des grottes-prisons. Mais c’est là surtout que se déroula la grande bataille de l’Humanité et qu’Ugolin terrassa le monde ancien.

Un brouillard de légendes s’épaissit autour de la forteresse de Dieu. Avec le soir ressuscitent les fantômes des grèves, les lutins capricieux, les fées voltigeantes, les gnomes évadés de marmites infâmes. Des formes