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porte. « L’avisette » est là, prête à s’envoler. Il me suffit d’appuyer sur un bouton. Elle roule légèrement, atteint la plate-forme. D’un regard, je m’assure que rien ne peut entraver son fonctionnement. Je place le point de direction vers le nord-est ; la machine ailée et souple prend son vol.

L’avisette — nous l’avons ainsi baptisée — nous a été offerte, voici un demi-siècle, par le professeur Stein, un des plus vieux jeunes du Grand Cercle. Elle va, sans pilote, avec sûreté, empruntant à l’atmosphère l’énergie qui l’actionne. Elle glisse sur un courant qu’elle détermine elle-même. Elle est façonnée d’un métal transparent et léger dont la solidité défie tous les chocs. Sa forme suggère une nacelle allongée, surmontée d’un couvercle de cristal en arc de cercle. Elle va, elle va, soulevant à l’arrière et à l’avant des vapeurs blanches. Commodément installé sur un siège moelleux, je me fais l’effet d’un de ces Olympiens que chantait Homère et qui s’exhibaient devant les mortels dans un nuage éblouissant.

La transparence du métal me permet de voir, au-dessous, le paysage qui fuit avec une vertigineuse rapidité. Toutes les couleurs se querellent comme en un kaléidoscope brouillé. Verts tendres, verts ardents, violets, gouttes de pourpre, nacarats, fleurs de soufre, bleus sombres et rouges brûlants se succèdent, se mêlent, s’épousent en une infinité de points dansants et sautillants, comme en ces tableaux d’autrefois qui visaient à une étrange synthèse lumineuse. La flamme drue du soleil tombant sur cet arlequin multicolore le fait exploser en gerbes d’or et en fusées. C’est un ruissellement d’incendie.

D’ordinaire, je m’attarde complaisamment à ce