Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’être empoisonné… Si l’on en voulait à votre existence ce n’est pas ainsi qu’on s’y prendrait.

J’ai une seconde d’hésitation. L’autre sourit toujours, d’un sourire très doux. Je murmure encore :

— Où suis-je ?

— Vous saurez tout ce que vous voulez savoir… Un peu de patience, que diable ? Mais commencez d’abord par boire.

D’un trait, je vide le gobelet. J’ai à peine le temps de sentir, au palais, une fraîcheur parfumée ; cela produit en moi, brusquement, comme une résurrection. Le sang paraît circuler impétueusement dans mes veines. La lourdeur qui pesait sur mon crâne s’envole comme par enchantement. Je m’étire, heureux, fais craquer mes muscles. Quel breuvage de force et de vie cet inconnu m’a-t-il versé ? J’ai presque un geste pour le remercier. Mais, sans cesser de sourire, il interroge :

— Vous devez avoir faim ?

— Un appétit d’ogre…

À ce mot que je viens de prononcer sans y penser, voilà que surgit, en mon esprit, le souvenir des derniers événements : les cambriolages, les enlèvements, Juliette, la randonnée vers la mer, la trahison de la femme. Tout cela défile vertigineusement en quelques secondes. Et j’ajoute, martelant mes mots, comme un défi :

— Un appétit… d’Ugolin.

L’homme hausse légèrement les épaules.

— Allons, ne faites pas l’enfant et suivez-moi.

Il sort. Derrière lui, je m’engage dans un long couloir éclairé, de place en place, par des lampes électri-