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l’œil le plus méfiant ne pouvait discerner les gestes de ceux qui se plaçaient au milieu.

Pendant des mois, avec une remarquable impunité et une constance étonnante, ils mirent au pillage les étalages de l’Odéon. Ce que Flammarion, en ce temps-là, a dû passer aux profits et pertes ! Mais un matin, ce fut la catastrophe. Deux des complices se firent pincer sottement. Alors le chevaleresque D…, de son pas nonchalant, la barbe en avant et son nez bourbonnien plus insolent que jamais, exécuta une entrée solennelle dans le commissariat de police. Il venait « témoigner », criait à l’erreur judiciaire. Il fit si bien qu’on le fouilla de fond en comble et qu’on découvrit, tout en bas de son pardessus, trois ou quatre volumes tout neufs et non coupés.

D… eut beau tempêter, menacer, affirmer que ces volumes lui appartenaient. Le commissaire jugea, comme pour César de Bazan, que ce n’était pas là la façon dont les honnêtes gens portent les livres qu’ils ont. D… fut condamné à plusieurs mois de geôle.

On l’avait à peu près oublié quand il sortit de prison, sans sa barbe, mais toujours aussi sûr de lui. Il expliqua paisiblement qu’il avait changé de « combine » et qu’il « travaillait » dans les petits chevaux au Casino d’Enghien.

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Qu’on ne s’y trompe point, cependant. Parmi ces bohèmes que j’évoque le plus discrètement possible