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Cependant, nos bons amis royalistes avaient quelques raisons de déchanter. De menus incidents s’étaient produits, qui les avaient renseignés sur notre état d’esprit.


Le printemps était venu et, avec les beaux jours, nous avions pris possession du petit jardin. Ce furent alors de formidables parties de « barres » ; royalistes et révolutionnaires mélangés, dans les deux camps.

Et d’autres jeux aussi. Par exemple, le petit jeu des monuments. Nous nous amusions, dans le jardin de la Santé, à inaugurer des statues élevées aux grands hommes du gouvernement. Un jour, je fabriquai, dans du mastic, une tête de mort ornée de féroces moustaches ; je la plantai au bout d’un manche à balai et, à l’aide de Marchal qui creusa un trou, je la fixai au beau milieu du jardin, avec une pancarte sur laquelle était écrit : « À Clemenceau ! Petit monument d’un grand homme ! » Il y eut, ce jour-là, des discours très applaudis et infiniment supérieurs à tous ceux qu’on peut entendre dans les cérémonies officielles.

Le plus enragé statuaire, c’était, naturellement, Maxime Réal del Sarte. Mais, ici, il faut que j’ouvre une parenthèse pour parler un peu des visites que recevaient ces messieurs. Imaginez que le jardin était, certains jours, transformé en lieu de réception. Des dames s’empressaient. Charles Maurras, le maître des Martigues, participait à la fête, et Léon Daudet hilare, s’épanouissait. On apportait des petits gâteaux,