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traîtres ! » Pan ! Dehors. Puis, un troisième, un quatrième… Passez muscade. À la rue. Leurs amis tentaient de les défendre. Vains efforts. Ils étaient encadrés par les jeunes gardes. Et les matraques entrèrent en jeu. Violence contre violence.

Ce fut un « vidage » formidable et discret. À peine si les orateurs perçurent de la tribune quelques « mouvements » confus dans le fond de la salle. Les camelots n’en revenaient point, eux qui avaient l’habitude de terroriser les réunions publiques.

Mais le plus drôle, ce fut après le meeting, au café qui fait le coin de la rue Montmartre et de la rue du Croissant. Ce lieu où Jaurès devait trouver la mort était, la nuit venue, considéré comme terrain neutre. Journalistes de l’Action Française, de l’Humanité de la Guerre Sociale, y terminaient leur copie, y attendaient épreuves et morasses. Ce soir-là, nous étions quelques-uns réunis autour d’une table : Philippe Landrieu, mort depuis ; Morizet, Jean Varenne (mort aussi) et d’autres. Nous vîmes arriver un lot d’éclopés, têtes bandées, boitant, lamentables. Ils s’assirent en silence.

Landrieu se pencha à mon oreille et me dit :

— Vous les avez bien arrangés.

Au même instant, l’un des blessés, d’une voix lugubre, déclarait :

— C’est égal, ils ont cogné un peu fort.

— Oui, dit un autre, ils n’y vont pas de main morte.

Il ajouta :

— Vive le Roi quand même !

Innocent !