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avait fait signe à M. Deibler et qu’un homme allait être jeté à la guillotine.

Je vous assure que je ne corse point les choses. Il y a des matins, à la Santé, qui ne sont point triomphants, point triomphants du tout. On se lève, souvent, avec un goût d’amertume et une immense lassitude. Au petit jour livide de la guillotine, il nous sembla que du sang flottait dans l’air empuanti des galeries.

En même temps que les manifestants révolutionnaires, presque tous des syndicalistes, nous avions vu apparaître les premiers camelots du Roy. Ils arrivaient par groupes serrés, tels des harengs. C’étaient, pour la plupart, des jeunes gens convertis au nationalisme intégral et attirés par les splendeurs du Denier de Jeanne d’Arc. Il y avait, parmi eux, quelques fleurdelisés authentiques qui s’enorgueillissaient de leurs particules, mais le gros de la troupe était formé de courtauds de boutiques et de rejetons de pipelets. Tout ce monde-là menait grand chahut au Quartier Latin, en l’honneur de l’« Affectionné » Philippe, cet héritier noceur, égoïste et sans gloire de nos grands rois.

Les prouesses de ces messieurs consistaient à troubler les cours de la Faculté, à jeter l’outrage sur les professeurs et à démolir à coups de marteau les bonshommes de pierre ou de bronze qui polluaient nos jardins publics. C’est ainsi qu’ils mirent à mal la statue de Scheurer-Kestner et celle de Trarieux qui immortalisaient le souvenir de deux infâmes dreyfusards. Cette façon de combattre vaillamment les morts était tout à fait rassurante pour les vivants.