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 Il arriva qu’un beau soir, je projetai de faire figurer Pelletan dans ma galerie[1]. Comme je m’en entretenais avec un vieil ami, disparu depuis la guerre, celui-ci me dit :

— Ça tombe bien. J’ai justement en ma possession un poème de Pelletan.

— Un poème ?… Inédit ?…

— Absolument inédit… Et manuscrit… C’est une affaire.

Le lendemain, j’avais le poème entre les mains. Il était tracé d’une écriture qui ressemblait étrangement à celle de l’ancien ministre. Il était signé. J’interrogeai le copain :

— Où diable as-tu déniché ça ?

— Sur les quais, voilà quelques mois, dans une boîte… Et tu vois, il n’y a pas d’erreur… C’est bien signé : Camille Pelletan.

Je voulus en avoir le cœur net. Je courus chez Pelletan et lui réclamai un entretien. Après l’avoir minutieusement interrogé et pris abondamment des notes sur sa vie, ses débuts, sa carrière journalistique et politique, brusquement, je lui tendis le papier où étaient couchés les vers que voici : 


À UNE JEUNE FILLE

Au cœur de quelle étrange opale,
Dans quel étang glauque et profond,
Avez-vous pris la teinte pâle
Et froide de vos yeux sans fond ?

  1. Cette biographie, qui parut vers 1908, était ornée d’un dessin de Delannoy qui était assez « vache ». Il montrait le pauvre Camille devant une formidable absinthe. Mais il faut faire la part de la légende.