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C’était un homme timide. Il poussa un soupir et fit :

— Si vous voulez, mon cher ami.

C’est ainsi que Clemenceau devint ministre[1]. Il y avait des années qu’il attendait l’occasion. Il avait, au cours de son existence parlementaire, renversé gouvernement sur gouvernement. Aucun ne trouvait grâce devant lui. Mais pas un président de la République ne songeait à l’appeler et à le donner comme successeur aux ministres tombés. Le tombeur retombait à son banc de député, déçu et furieux. Le Pouvoir fuyait, se dérobait. Quand il y parvint, enfin, il était aigri, désabusé, avec ce terrible désir de domination qui le caractérise, qui n’est pas, au fond, de la volonté et se traduit par des caprices — de ces caprices de vieux gamin prompt aux boutades et aux gestes indécents.

Quelque temps après, il débarquait Sarrien et prenait la présidence du Conseil.

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Ce fut une heure intéressante. Chacun se demandait ce qu’allait tenter et réaliser ce farouche destructeur. Pour commencer, ça marcha assez bien. Clemenceau n’avait pas tout à fait oublié la Mêlée Sociale. Il y avait une grève chez les mineurs du Pas-de-Calais. Il s’y rendit le chapeau sur l’oreille. Il demanda à voir le révolutionnaire Broutchoux. Il déclara qu’il

  1. Il faut ajouter que M. Aristide Briand pressenti n’avait accepté un portefeuille qu’à la condition que Clemenceau entrerait avec lui dans le Ministère.