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pérorait dans un silence respectueux. Soudain, Clemenceau, qui siégeait à côté de mon père, se pencha vers lui et constata :

— Il parle bien, tout de même !

Quelques « chuts » discrets à son adresse fusèrent des bancs proches. Mais Clemenceau, sans s’occuper des mécontents, poursuivait :

— Oui, il parle bien ! Quel malheur qu’il se… (ici une allusion à l’amour qui n’a pas de nom).

Mon père ne broncha point. Autour d’eux, quelques remous. L’orateur lui-même, surpris, s’interrompit, avança la tête.

Alors, Clemenceau, à haute voix, de demander :

— Dites donc ? Est-ce que ça vous plairait de le… (nouvelle allusion à la chose).

Et il ne consentit à se taire que parce que la réprobation de ses voisins se faisait plus violente.

Autre anecdote du même tonneau. Dans les couloirs du Sénat, Clemenceau avise l’ancien ministre Vigier, qui fut son condisciple. Les deux hommes se saluent. Tout à coup :

— À propos, demande Clemenceau, mon cher Vigier, tu te fais toujours… (allusion encore à ce que vous devinez ! c’était une véritable marotte chez lui).

Vigier, un instant, le dévisagea, méprisant, puis il haussa les épaules et passa.

Ah ! les boutades de Clemenceau !

En voulez-vous une autre ? Voici. Lors de son renouvellement au Sénat, Clemenceau, alors ministre, faisait en auto la tournée du département.