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L’abus de l’internement vous joue de ces mauvais tours.

Or il se trouvait qu’Hervé n’ayant pas complètement fini son temps, venait de recevoir le présent de la liberté des mains du ministre, Aristide Briand, son ancien défenseur devant la Cour d’assises de l’Yonne. Il n’avait rien réclamé. Il ne devait rien au ministre. Il résolut de le dire dans son premier article d’homme libre…

Mais Almereyda était toujours là.

Je me souviens que le mardi, dans la soirée, nous nous trouvions au Café du Croissant — le café où fut assassiné Jaurès — attendant épreuves et morasses. Le journal s’imprimait en face, chez Dangon. Soudain, Almereyda apparut, radieux. Il déposa, sur la table, sa « manchette ». Et, non sans stupéfaction, je lus ceci : « Et je vous dit M… ! »

Le mot, naturellement, était en toutes lettres. Je fis la grimace :

— Quoi, demanda Almereyda, ça ne te va pas ?

Je secouai la tête. J’objectai que cette façon de répliquer produirait la plus mauvaise impression.

— Un mot pareil, c’est très bien, lancé dans la bataille, parmi la mitraille et les obus… si toutefois ?… Mais, lancé par les camelots, à travers les rues, au milieu des passants !…

— Ça va faire un effet !…

— Désastreux… Tu vois d’ici la stupeur du public, les coups de g… des camelots… Sale affaire !

Mais Almereyda s’enthousiasmait de plus en plus.