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et une bonne bouteille de derrière les fagots. À part ça, il méprisait souverainement l’argent et, au besoin, savait vivre comme un ermite.

Le plus amusant, c’était de voir Hervé, le soir, quand nous revenions d’une réunion. Nous nous efforcions de l’entraîner dans quelque brasserie. Impossible. Il refusait absolument. Hervé n’entrait jamais dans un café, sauf le cas de force majeure, et toujours à regret.

Mais nous étions quelques-uns à connaître ses petites faiblesses et nous tentions de le prendre par ses vices. Nous lui disions :

— Allons, viens ! Nous allons manger une bonne choucroute. Ça nous remettra de nos émotions.

Alors Hervé hésitait un instant. Il paraissait disposé à nous suivre. Il sentait déjà l’odeur de la choucroute. Puis, brusquement :

— Non, je rentre.

— Mais, puisque nous n’en avons que pour un quart d’heure !

Il hésitait encore, pris entre sa gourmandise et sa sainte horreur de la brasserie. Et, finalement, il reprenait son chemin. La vertu l’emportait.

Il faut l’avoir approché pour savoir comment il adorait la table et les fins morceaux. À la Santé, il présidait nos mangeailles. Et il se déclarait capable de reconnaître un vin, de déterminer l’année du cru. Je dois dire que, par moments, nous possédions une cave impressionnante… sous l’une de nos couchettes, dans une cellule. Des amis et des partisans nous expédiaient fréquemment d’excellentes bouteilles. L’un