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Le mot « renégat » claque comme un fouet. Ce qu’on peut entendre sur la personnalité de Gustave Hervé, c’est inouï. Pour les uns, c’est un vendu, livré pieds et poings liés à la bourgeoisie qui le paie. Pour d’autres, il ne cède qu’à la vanité et à la manie du scandale. On rappelle les propos de Paul Lafargue : « Hervé tire des pétards pour faire retourner le passant ! »

La vérité, c’est qu’on le connaît fort mal. Moi qui ai vécu des années à ses côtés et qui, je puis le dire, le « sais par cœur », je ne saurais souscrire à de tels jugements définitifs. Hervé vendu ? Il n’a pas le sou. Hervé vaniteux ? On ne le voit aucune part. Il fuit le monde, les soirées, les brasseries, rentre tranquillement dans son petit logement de la rue de Vaugirard, une fois sa besogne terminée. Alors ? C’est à la fois très simple et très compliqué.

Gustave Hervé est un homme qui passe sa vie à chercher « sa vérité » ; Chaque fois, il croit l’avoir trouvée et il fonce avec toute l’ardeur brutale de son tempérament. Jadis, c’était la Révolution qui l’appelait. Il s’y donna avec passion, consentit à tous les sacrifices. Aujourd’hui, c’est la Patrie qui lui fait de l’œil. Il se jette dans ses bras, avec le même emportement. Comme il possède, en même temps, une remarquable faculté d’oubli, il asperge ses fidèles d’hier des épithètes et des injures les plus invraisemblables : crétins, lamentables idiots, brutes épaisses… Il ne paraît vraiment pas se douter que ces malheureux ainsi catalogués et marqués ont été formés à son école et à son image.