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Ma foi, je n’étais guère d’humeur, à ce moment-là, à me laisser ainsi houspiller. Je disposais d’une tribune assez retentissante, à la Guerre Sociale, de Gustave Hervé, dont j’étais le principal collaborateur. Je répliquai à Tailhade avec quelque fureur et un peu de mépris, dans un simple « post-scriptum » intitulé : « Le cadavre récalcitrant. » Je me souviens même que dans cette dizaine de lignes, après avoir tué mon adversaire définitivement, je le traitais de moribond et ne lui donnais plus longtemps à vivre — ce qui fit la joie d’Almereyda auquel rien n’échappait.

Première passe d’armes entre Tailhade et moi. Cependant, des amis intervinrent qui expliquèrent son erreur au poète. La « Pipe-au-Bec » et Méric, cela faisait deux êtres différents. Tailhade avoua sa méprise. Il me fit transmettre ses regrets. Tout s’apaisa.

Quelques mois coulèrent. Puis, j’entrais, à mon tour, dans l’hospitalière maison de la Santé. Je venais de recueillir une année de prison pour avoir trop vigoureusement exprimé ma pensée sur l’expédition du Maroc et les massacres de Casablanca. Quelque temps après, j’écopai encore de six semaines pour avoir médit de la caserne dans une chronique purement littéraire consacrée à Lucien Descaves et à son roman : Sous-Off’s. Enfin, les affaires sanglantes de Draveil-Villeneuve, où la troupe tira sur la foule ouvrière (sous le premier ministère Clemenceau), m’avaient valu une condamnation à cinq années (cette dernière condamnation fut amnistiée par la suite).