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J’expliquais, paisible, à mes auditeurs, que nous n’avions qu’un but : compter les voix révolutionnaires. Pour le reste, on s’en moquait. Nulle envie de pénétrer dans la caverne de l’Hôtel de Ville. Inutile de me réclamer quoi que ce fût, au cas je serais élu. Je ne lèverais pas le bout du petit doigt pour faire déplacer un kiosque ou paver une rue. Nos préoccupations étaient d’un ordre un peu plus élevé.

Cette profession de foi répétée, chaque soir, devant des milliers de citoyens, déchaînait l’enthousiasme d’un public où les électeurs étaient plutôt rares. Et chaque fois, Frossard, alors secrétaire général du Parti socialiste, me disait :

— Voilà comment on travaille quand on veut être battu.

Un soir même, j’allai plus loin. Je déclarai tout net que je ne tenais pas le moins du monde à être élu. Frossard était furieux. Il affirma à la salle qu’il ne s’agissait pas de mes goûts personnels, mais du Parti que je représentais. Et il s’emporta contre ce « singulier candidat défaitiste » qu’on venait d’ouïr.

Après ça, Cachin prit la parole. Il faut avoir entendu Cachin dans l’atmosphère d’une réunion publique. Il faut surtout l’avoir observé du bas de la tribune… en contemplant ses pieds. Car ses pieds participent à son éloquence avec une extraordinaire vigueur. Cependant qu’il lance, dans le bruit des applaudissements, quelques-uns de ces aphorismes dont il a le secret ! Citoyens ! C’est capital !… Cette élection sera capitale !… Nous sommes à une heure d’une importance capitale !… on peut voir ses pieds qui dansent