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moi (j’ai su plus tard que pas un d’eux n’était électeur) :

— Qu’est-ce qu’on boit ?

On me servit une manière d’absinthe laiteuse qu’on nommait, je crois, raki, quelque chose d’imbuvable. Je l’avalais non sans grimace.

Le camarade qui dirigeait les opérations s’adressa au patron :

— Et vous savez, si jamais vous avez besoin de quoi que ce soit, ne vous gênez pas… nous sommes là.

Le patron eut un large sourire dans sa face de moricaud au nez sémitique. Il cligna de l’œil vers moi :

— Messié… on est avec vous… bien sûr… Mais faudrait savoir… Est-ce que vous marchez avec les Polaks ?

Quels Polaks ? Je tombais des nues. Le camarade me poussa du coude :

— Eh ! oui. Les Juifs polonais… Nous sommes à fond contre eux… Nous sommes des amis des Algériens.

Dehors, il m’expliqua la rivalité haineuse qui dressait les Juifs polonais contre les Bicots. Puis il me poussa vers un autre bistrot. Nouvelle séance. Raki. Faces olivâtres. Sourires charnus. Messié… les Polaks !…

Le raki, cependant, commençait à me peser sur l’estomac.

Au quatrième bistrot, j’étais vaincu. Les électeurs tournaient, valsaient. Je hélai un taxi. Je me fis con-