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C’est alors que parut la fameuse affiche rouge, signée d’une vingtaine de noms, parmi lesquels ceux d’Urbain Gohier, de Gustave Hervé (qui naissait à la célébrité), de l’écrivain Han Ryner et de Laurent Tailhade. Le philosophe Han Ryner se récusa aussitôt. On connaissait ses opinions et, d’ailleurs, on avait oublié de le consulter avant d’inscrire sa signature au bas de l’affiche. Quant à Tailhade, que se passa-t-il dans son esprit ? C’est ce que nul ne comprit. Il protesta avec fureur contre l’abus de sa signature. À un journaliste qui l’interviewait, il déclara superbement :

— J’ai, sans doute, reçu un avis parmi d’autres paperasses émanant du marchand de vin ou d’un fabricant de pâtes alimentaires. J’ai jeté tout cela au panier.

Il ajoutait qu’il ne saurait, sous aucun prétexte, souhaiter l’assassinat de jeunes gens, même agrémentés de galons. Ce n’était pas là son langage habituel. Cette attitude inexplicable surprit douloureusement ses amis. Il y eut des jugements sévères qui atteignirent le poète au cœur. Il se cabra et persista. Ce fut bientôt la rupture presque irrémédiable entre Tailhade et ceux qui se proclamaient ses fidèles admirateurs.

Alors, le poète, délaissé, furieux, cédant comme toujours à ses impulsions, écrivit à Arthur Meyer, directeur du Gaulois, — l’homme qu’il avait le plus poursuivi de ses sarcasmes et de ses invectives, — une lettre publique d’excuses insensées. Une lettre du même genre était adressée à Edouard Drumont.