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intéressés. Et Duc commença par lui parler de Karl Liebknecht.

— Quand je le faisais sauter sur mes genoux, je lui disais : « Mon petit Karl, ton père a grand tort de ne point m’écouter… Ton père suit un mauvais chemin… Ton père…

À ce moment, je me tournai vers Souvarine. Je m’aperçus que, sans un mot et ne voulant pas en entendre davantage, il avait filé…

Pourtant… pourtant… quel prestige fut celui de Duc ! Quelle auréole entourait son front, il y a quelque vingt ans ! Il apparaissait comme un des vétérans ceints des lauriers des batailles d’antan. On savait qu’il était parti, Juif-Errant de la Révolution, vers la Palestine, vers la Russie, vers l’Allemagne. Un matin, Pierre Monatte me dit, enthousiaste :

— Je cours au Mouvement socialiste. On affirme que Duc-Quercy est de retour.

Le Mouvement socialiste, c’était la revue du citoyen Hubert Lagardelle, qui fit longtemps figure de chef de parti. Les bureaux ne désemplirent point, pendant toute une semaine. Tout le monde voulait voir l’apôtre, le grand homme de la Révolution, qui nous revenait de si loin.

La vérité, aussi, c’est que Duc savait beaucoup, avait beaucoup vu. Quand il consentait à abandonner ses allures de pontife et à converser gentiment avec ses jeunes admirateurs, il était prodigieux d’intérêt, de science, de mémoire. J’ai parfaitement noté que Bracke lui-même l’écoutait avec déférence (et le Dieu du marxisme sait si Bracke est patient)