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riait rarement et paraissait toujours regarder au dedans de lui.

Je ne sais plus dans quel congrès, il apparut soudain, en pleine nuit, alors que les délégués, éreintés, ne rêvaient que de la clôture. Il était alors le représentant des militants du Midi viticole qui venaient de se révolter (rappelez-vous Marcellin Albert, Narbonne, les soldats du 17e). Il promena son regard lourd et sévère sur l’assistance et, d’une voix de basse profonde, commença ainsi :

— Je suis le délégué des cadavres…

Ah ! pour le coup. Il fut assailli par une tempête de protestations, de clameurs, de rires. Il dut abandonner la tribune sans pouvoir achever.

Je le revois, pendant la période des inondations de la Seine. Nous descendions assez tard, à quelques-uns, vers le Quartier Latin et, en passant sur le pont Saint-Michel, nous allions constater le progrès des eaux : Duc-Quercy se plantait sur une des marches qui conduisait au fleuve et, tout droit sous la lune ironique, la dextre tendue, il déclamait :

— Ô flots ! Ô déchaînement des éléments ! Jusqu’à quand subirons-nous tes atteintes ?

C’était impressionnant, certes. Mais nous nous tordions derrière Duc qui continuait :

— Seine ! Seine perfide ! Voilà bien tes maléfices !

Puis satisfait et toujours imperturbable, il nous suivait vers la Chope.

Un jour — c’était après la guerre — je le présentai à Boris Souvarine, qui, connaissant le vieux combattant de réputation, leva aussitôt vers lui des yeux