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 et il venait de poser sa candidature à la députation contre Camille Raspail, l’un des fils du grand savant révolutionnaire, que soutenait le gouvernement. L’élection de mon père semblait assurée et nul ne la discutait plus lorsqu’on vit débarquer, à Toulon, deux candidats nouveaux. Le premier, c’était Charles Lullier, ancien général de la Commune, auteur d’un volume : Mes Prisons, qui fut débarqué par les communards et accusé (à tort, je pense) de trahison. Ce Lullier était un être effroyable. Il vidait, chaque soir, les trois quarts d’une bouteille de picon et, quand l’alcool le travaillait, il se découvrait une âme de pessimiste, invoquait Schopenhauer, appelait le Néant et braquait son revolver sur ses interlocuteurs effarés.

Le second, c’était Duc-Quercy, déjà célèbre dans les milieux avancés et qui, à côté de Sorgue, de Biétry, avait fait quelque peu parler de lui, lors de grèves retentissantes.

Lullier s’adressait aux rouges. Duc en appelait à la classe ouvrière du port et de l’arsenal. Le premier obtint quelque douze cents voix et le second à peu près un millier qui manquèrent naturellement à mon père et permirent le triomphe de ce Raspail qu’on avait baptisé Camomille.

Je ne devais revoir Duc-Quercy que beaucoup plus tard, dans les bureaux de L’Humanité, où il était vaguement secrétaire général. On répétait de lui des mots inouïs et les jeunes, irrespectueux, le traitaient volontiers de vieille barbe. Cette barbe grave, en effet, avait tout du burgrave solennel. Il