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commençait par inspecter soigneusement banquettes et chaises. Puis il ôtait son pardessus, son chapeau, hésitait quelques secondes avant de les suspendre ; après quoi, de son mouchoir, il époussetait longuement le siège sur lequel il avait fixé son choix. Enfin il condescendait à s’asseoir avec une grimace de dégoût.

Il ne demeurait pas longtemps en place. Il paraissait s’ennuyer partout. Les discussions orageuses sur le « marxisme » l’exaspéraient. Aussi, au bout d’un instant, il se dressait, disant :

— Allons faire un tour.

Dehors, il me prenait le bras et déclarait, avec un soupir lugubre :

— Gravissons notre Calvaire.

Le calvaire, c’était la promenade sur le boulevard Saint-Michel, de la Chope au Panthéon, aller et retour. Cette courte ballade accomplie, le Grand Chose soupirait de nouveau et proposait :

— Entrons à la Chope.

Il parlait len…te…ment, jamais pressé, avec un éternel sourire au coin des lèvres. Sourire de mépris pour la plupart des gens qui péroraient autour de lui. Il ne dissimulait point le peu d’estime dans laquelle il tenait ceux qu’il appelait des « primaires ». Et il avait coutume de se présenter ainsi : « Un Tel, licencié ès lettres ».

Il ajoutait : « Mention anglais ».

La langue anglaise, en effet, n’avait pas de secrets pour lui et il était, vaguement, d’origine irlandaise. Mais, un soir, cet ennemi des primaires fut victime