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de bon ton de se révéler antimilitariste, individualiste et de jouer les révoltés. Combien de mes contemporains qui gravitent, présentement, autour de la cinquantaine et ont atteint d’enviables situations, seraient marris si on leur rappelait leur jeunesse libertaire !

Il en est, pourtant, qui ont continué, et à quelques nuances près, n’ont nullement varié dans leur pensée constante. Je pourrais citer, parmi ceux-là, Pierre Monatte dont on ne saurait oublier le rôle décisif dans le mouvement syndicaliste, pendant la guerre et dans les heures difficiles du communisme. Il n’appartenait pas alors à notre groupe : la « Jeunesse du Cinquième ». Il arrivait de sa province. Comme Vallès, il avait exercé le métier de surveillant, quelque part dans un collège. Petit, mince, la parole un peu difficile, il donnait, néanmoins, une impression de force et d’entêtement. Il savait où il allait et sa conviction était profondément enracinée en lui. Mais, chose qui étonnera ses amis, en ce temps-là il ne pensait pas le moins du monde au syndicalisme.

On le voyait assez souvent au Petit Bar, au coin de la rue Grégoire-de-Tours. C’étaient alors des controverses passionnées. Monatte se révélait un anarchiste idéaliste et quelque peu littéraire, ainsi que son ami Fernand Després, aujourd’hui communiste (comme on change, hein ?). Je ne sais plus trop comment vivait Monatte. Plutôt mal que bien, ainsi que nous tous. Mais l’on s’en moquait. On lisait Laforgue :

Un couchant des cosmogonies,
Ah ! que la vie est quotidienne !