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que Salmon a baptisé ce dernier lieu la « Petite Pologne » en raison des bandes polonaises qui l’envahirent durant des mois sous la conduite du dessinateur romancier, d’Ostoya. Il y eut même des histoires terribles entre certains des nôtres et la colonie polonaise : bagarres, coups de poing et coups de triques, échanges de témoins pour duels au sabre… Mais ne réveillons pas ces haines nationales. Tout cela, d’ailleurs, s’apaisa gentiment.

J’ai dit que Salmon promenait sa curiosité nonchalante dans les boîtes du carrefour. Il apparaissait un peu comme le dandy, l’aristo du coin, une sorte de Villon moderne et élégant. Nous ne hantions pas les mêmes clans. Il y avait une sorte de rivalité obscure entre « L’Habitué » et le « Petit Bar ». Mais nous nous retrouvions sur un terrain neutre, à l’heure de l’apéro chez G…, un bistrot de la rue de Seine. Là, le pernod coulait glorieusement. Le bon gros poète hollandais, Van der Peal tonitruait, emplissait l’établissement de ses éclats de voix. C’était un charmant et jovial garçon avec qui je me brouillai quelque peu, pour des sottises. Mais, à cette époque, il croyait dur comme fer à son génie poétique et à son incontestable originalité.

Un soir, alors qu’il me lisait, chez lui, quelques-uns de ses poèmes, il se fâcha tout rouge, parce que j’avais déclaré sans trop de conviction :

— C’est pas trop mal !

— Pas trop mal, hurlait-il, pas trop mal ! C’est tout ce que tu trouves à dire.

Une autre nuit, vers les trois heures du matin,