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Pas une réunion publique sans qu’on le rencontrât, à la porte, au milieu d’un groupe. Il tenait, sous son bras, tout un lot de vieilles brochures ou de journaux et il happait les militants au passage :

— Pour la propagande, camarade !

Le client acceptait la brochure ou le journal, fouillait dans son gousset :

— Ce sera ce que vous voudrez, camarade !

Mais on lui lâchait, qui deux sous, qui cinquante centimes.

Et le père Edouard se précipitait sur un autre.

Car c’était là son métier, son industrie. Il n’était pas le seul, du reste. À chaque réunion, ils se retrouvaient une demi-douzaine qui hurlaient :

— Pour la propagande, camarade !

Ces journaux, ces antiques brochures, ils se les procuraient presque toujours pour rien. On les fournissait de marchandise chez les syndicats, les groupes, les feuilles avancées. Rarement, on les faisait payer ou juste le prix du vieux papier. Comme on pense, la propagande, c’était leurs poches.

Durant des années, à chaque réunion, on put contempler ces aimables propagandistes. Puis quelques organisateurs s’avisèrent de la petite plaisanterie et mirent le holà.

Après la guerre, ce fut le déclin. On rencontrait bien, de-ci, de-là, quelques paladins de la « Propagande, camarade », mais la discipline communiste, la vogue de la nouvelle littérature bolcheviste qui s’écoulait au profit d’un parti organisé, eurent promptement raison des derniers champions.