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qui pullulaient au carrefour Buci, un autre poète, un aîné : Adophe Retté, l’auteur d’Aspects et d’Arabesques. Il a fait, depuis, une chute fâcheuse dans un bénitier. Mais alors, c’était un remarquable polémiste. Il s’était amusé à dépiauter Stéphane Mallarmé au grand scandale de toute la gendelettrerie de la rive gauche et à démontrer que, dans le sonnet fameux où « armoire » rime avec « manque de mémoire », ce délicieux « manque de mémoire » précisément mis là pour l’« oubli », constituait une affreuse cheville. Puis il s’évertuait à donner une traduction approximative du sonnet d’Edgar Poë :

Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change.

Il avait tort, d’ailleurs. Ce sonnet tant décrié, voire bafoué et décrété obscur, nous semble aujourd’hui d’une clarté limpide et sa musique coule délicieusement dans nos oreilles.

Retté, donc, était « quelqu’un ». De plus, il affectait des sentiments et des convictions anarchistes. Le jour que Vaillant lança sa bombe à la Chambre des députés, Retté, dans un groupe de poètes réunis dans une taverne, levait son verre et s’exclamait, souriant :

— Je bois à la « vaillance ».

Cette anecdote colportée parmi nous, nous rendait le poète sacré. Il avait, sans trop s’en douter, des admirateurs fervents. On lisait et l’on relisait