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tants qui, selon les circonstances, penchaient d’un côté ou de l’autre.

Peu d’intellectuels. Ah ! pardon ! un jeune homme qui hantait Anatole France et qui, depuis, a fait son chemin dans les lettres. Nous étions rarement du même avis… à la section. Nous l’étions davantage au dehors. On le nommait Raymond Escholier. Vous savez certainement qu’il a écrit Cantegril et qu’il est conservateur du Musée Victor-Hugo.

Cette rouge section me faisait songer, souvent, à ce fameux Club des Enragés que conduisaient les Jacques Roux, les Varlet, les Leclerc, pendant la Révolution française et qui siégeait non loin de là, à l’Évêché. Albert Mathiez nous a retracé son histoire dans ce volume qui restera son chef-d’œuvre : La Vie chère pendant la Terreur. Oui, la quatrième section, c’était bien l’héritière des Enragés. On y votait des motions incendiaires, on y tenait des discours insensés. Nous sommes devenus bien sages, très sages par la suite.

On se réunissait, une ou deux fois par semaine, rue Charlemagne, à la Maison du Peuple, dans une salle pas très vaste, avec un comptoir à l’entrée. la tribune était au fond et l’on prenait place sur des bancs, dans une fumée épaisse. Ça manquait totalement de confort et d’hygiène, mais l’ardeur des convictions l’emportait sur ces petits désagréments.

De loin en loin, en pleine discussion, alors qu’un tribun éloquent et fougueux exposait le « marxisme » à l’auditoire, on voyait quelques militants s’éclipser sans bruit. Ils allaient boire un coup à la buvette, puis revenaient s’asseoir sur leurs bancs, tout en s’essuyant les moustaches de leurs manches. Sans plus attendre, ils lançaient quelques interruptions, provoquaient le tumulte, enguirlandaient l’orateur qui n’appartenait point à