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ce temps, une grêle de pierres, puisées dans un chantier de démolition, pleuvait sur la bande qui se dispersait.

Le « prisonnier » affolé, dépouillé de sa matraque, tête nue, suppliait :

— Messieurs, messieurs, ne me faites pas de mal !

Vaines prières. Les nôtres, surexcités par l’attente, exaspérés par les provocations, allaient se jeter sur lui. Je n’eus que le temps de me dresser et de crier :

— Laissez-le !… Vous voyez bien qu’il est seul…

Mais quelques-uns voulurent passer outre. Il y eut une courte bousculade. Je criais toujours :

— Laissez-le… Il est seul… Vous êtes cinquante…

Il put enfin s’en tirer. Il s’enfuit à toutes jambes, poursuivi par les quolibets. Le pauvre diable l’avait échappé belle.

*
* *

J’ai déjà conté comment, un autre soir, au Gymnase du Panthéon, les camelots ayant voulu troubler une réunion où devaient parler des professeurs républicains, se virent administrer une formidable raclée par les Jeunes Gardes que commandait Almereyda surnommé, pour la circonstance : le Préfet de police de la Révolution.

Ces petits événements expliquent toute la campagne rageuse et mortelle menée, par la suite, contre ce même Almereyda, campagne qui devait aboutir au fameux lacet.

Peu à peu, cependant, les bagarres se firent plus rares, les querelles de rue s’éteignirent. Je crois que la mêlée du Gymnase fut le dernier incident sérieux. On ne peut pas toujours se battre. Pourtant, chaque mercredi soir, alors que nous mettions en page notre Guerre Sociale,