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ailleurs, des auxiliaires tout prêts à intervenir. Je revoie encore la scène, aujourd’hui. Il était environ minuit et demi. Les camelots, immobilisés, formaient un arc de cercle au centre duquel se tenait Pujo, une badine à la main. Là-dessus, un silence impressionnant de quelques secondes.

Tout à coup, un bond. Almereyda venait de se jeter en avant, sa canne dressée. D’un élan irrésistible, il avait percé le rempart improvisé autour de Pujo, et v’lan ! Sa canne s’abattit sur le visage du chef des camelots. Nous étions sur ses talons. La mêlée s’engagea. Elle ne dura pas longtemps.

Elle ne dura pas, parce que les agents cyclistes comptaient dans le jeu. Naturellement, ils s’en prirent aux révolutionnaires. Nouvelle mêlée rapide. Et nous battîmes en retraite vers la brasserie d’où nous venions de sortir.

Pendant que les camelots se reformaient et faisaient demi-tour, les agents nous poursuivaient. Ils pénétrèrent brutalement dans la salle du café, menaçant le patron du lieu, prétendant nous mettre la main au collet… Le patron protestait mollement. Et voici que, soudainement, un homme se dresse, face aux agents, la voix tremblante de colère :

— Vous n’avez pas le droit… vous n’avez pas le droit…

Il prononçait : le « doit », avalant les « r » au passage. L’indignation, sans doute ? Les agents voulurent le repousser. Alors il brandit une carte et une médaille de député :

— Vous aurez de mes nouvelles… Vous n’avez pas le « doit d’enter »…

Les agents, suffoqués, reculèrent vers la porte. L’homme qui leur parlait sur ce ton, c’était Lagrosillère, alors député socialiste de la Martinique. Il avait assisté