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d’individu à individu, poings contre poings, à armes égales… »

Comme on voit, D… était un adversaire résolu et dangereux. Aussi la principale préoccupation des dirigeants de la camelote royale fut-elle de s’en débarrasser. On commença par l’accuser d’un tas de méfaits et de combinaisons. On le montra d’accord avec la police, tendant des pièges aux jeunes royalistes (cela à l’occasion d’une histoire de vol où les camelots s’étaient laissé pincer sottement). Puis, un beau jour, avec l’aide du ciel et les machinations de Maurice Pujo, on finit par l’avoir.

Voici comment. Le jeune D… tomba malade, atteint d’une otite. Il fut trépané, fit des mois d’hôpital. Quand il revint sur le boulevard, il n’était plus tout à fait le même. L’opération avait laissé des traces sur son intelligence et sur sa volonté.

Un jour, pressé par le besoin d’argent, il enleva quelques instruments du laboratoire où il étudiait et, je crois, les mit en gage ou les vendit. Il fut immédiatement mouchardé.

Aussitôt, scandale. L’Action Française triomphait. D… n’était qu’un voleur. On ne disait point que quelques-uns des misérables qui l’entouraient, et le conseillaient, étaient de mèche avec les royalistes. Et ces messieurs les camelots qui, quelques mois avant, se plaignaient amèrement du bruit créé autour d’un pauvre petit larcin où certains des leurs étaient compromis, trouvaient tout naturel de développer cet incident et de lui donner toute la publicité tapageuse possible, puisqu’il s’agissait, cette fois, de républicains.

Naturellement, le scandale allait grossissant. Le jeune D… fut poursuivi, condamné, disqualifié. Quant au père, un vieillard dont nul n’avait jamais osé discuter la probité et la grande honnêteté privée comme politique,