Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une sorte de jeune garde royaliste, les premiers camelots du Roi, qui faisaient un potin de tous les diables. J’ai déjà eu l’occasion de dire comment, sous le gouvernement libéral de Clemenceau, nous nous étions rencontrés, ces messieurs et nous, dans les geôles républicaines. Nous avions, ma foi, fait excellent ménage. Et la liberté reconquise, nous ne songions, ni les uns ni les autres, à nous battre.

Cela ne devait pas durer. Au fond, le blanc et le rouge ne vont pas ensemble. À la Santé, terrain neutre, nous avions pu nous entendre. Et puis, l’audace furieuse que montraient ces jeunes gens ne nous déplaisait point. Nous n’étions pas loin de les considérer comme des révolutionnaires de droite. Leurs prouesses nous stimulaient. Nous savions comment, en pleine Sorbonne, ils avaient eu le culot effroyable de molester un professeur, coupable de ne pas avoir manifesté pour la bergère de Domrémy un respect suffisant. Nous savions qu’ils envahissaient le prétoire et vitupéraient les chats fourrés avec rage. Autant de raisons pour leur consentir quelque estime.


Cela ne devait pas durer, ai-je dit. En effet, ces messieurs nous avaient habilement caché leur jeu. Ils prétendaient rétablir leur monarchie et faire revenir leur roi — l’Affectionné Philippe — pour le plus grand bonheur du peuple ouvrier et syndicaliste. Ils allaient même, parfois, jusqu’à se proclamer antimilitaristes. Brusquement, une affaire qui fit quelque bruit éclata. Je veux parler de l’affaire Ferrer. Il s’agissait d’un intellectuel libéral d’Espagne, condamné à mort et fusillé à Montjuich dans des conditions particulièrement atroces. Comme l’on pense, tout le Paris révolutionnaire se souleva.