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nerfs d’acier ou plutôt il leur faut une raison ferme, claire et calme. C’est à l’intelligence du peuple, c’est à sa pensée que nous devons, aujourd’hui, faire appel si nous voulons qu’il puisse rester maître de soi, refouler les paniques, dominer les événements, et surveiller la marche des hommes et des choses pour écarter de la race humaine l’horreur de la guerre. »

Ah ! il l’avait enracinée au cœur, la haine de la guerre ! Il se levait, tout son être exaspéré, tordu de douleur, contre la perspective des boucheries. Qu’aurait-il fait, qu’aurait-il dit par la suite ? Il est aisé de le prévoir. Il serait demeuré, poings crispés, têtu, horrifié, face à la guerre, contre la guerre.

C’est pourquoi on l’a tué.

Et ceux qui l’ont tué, à coups de diffamations, d’appels meurtriers, d’excitations odieuses, sont toujours là, ricanant, triomphant. Ils n’ont pas fait la guerre ; ils ne feront pas davantage la prochaine, la « der des der », qu’ils appellent de tous leurs vœux.

Les messieurs dont je viens de parler, ce sont nos vieux et bons amis de l’Action Française. À l’époque où Jaurès apparaissait à tous comme l’Apôtre de la Paix et du Progrès, ils faisaient rage contre lui. Ils n’étaient pas les seuls, certes. Il y avait aussi Urbain Gohier. Mais Gohier, c’est autre chose. Ce pamphlétaire a des haines terribles et qui ne s’apaisent point avec le temps. Il a déchiré Jaurès à belles dents. Il a continué même après la mort du tribun. Seulement, chez lui, pas de calcul, pas de calomnie systématique. Il exprime avec violence, avec férocité, sa haine, sa soif de vengeance. Il est prêt, à l’occasion, à agir directement, personnellement. On peut