Page:Mérejkowsky, Hippius, Philosophoff - Le Tsar et la Révolution, 1907.djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’orthodoxie et l’autocratie, tous les efforts dirigés vers la destruction de ces principes ne sont-ils pas par là même justifiés historiquement ? Witte, sorte de collaborateur de Pierre Ier, placé à côté de Nicolas II, a ruiné l’autocratie, non pas du dehors comme le font les révolutionnaires, mais au dedans. Ce « païen », le premier bureaucrate contemporain, a senti que pour abolir l’autocratie, il fallait l’appui de l’Eglise, car le manifeste du 17 octobre rédigé par lui était purement laïque, intellectuel. Toutefois, c’est avec sa participation active que fut soulevée la question des réformes de l’Eglise et décidée la convocation d’un concile. Homme grossier, dépourvu de tout esprit philosophique, il a néanmoins senti instinctivement qu’on ne saurait se passer de l’Eglise, que sans réformer l’orthodoxie on ne peut abroger l’autocratie. Mais l’orthodoxie ne se ranimera pas ; elle ne soutiendra pas Nicolas II, elle le perdra définitivement. L’empire s’étant soumis, l’Église meurt tuée par le venin de l’autocratie, et l’autocratie elle-même est empoisonnée par le- venin de l’orthodoxie. Tel est le cercle vicieux à l’intérieur duquel se débat le malheureux Nicolas II, victime de la mauvaise direction suivie par l’Etat russe fondé sur le principe fatal de la fausse théocratie. L’Eglise reniant le monde, la culture et l’histoire,