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pouvoir, mais bien « l’armée orthodoxe, très chrétienne ».

L’entretien de cette armée demande beaucoup d’argent, une industrie bien développée. La « théocratie moujik» s’est alors munie d’un mécanisme occidental. Les frontières russes sont fermées par des droits de douane énormes ; le gouvernement implante l’industrie. C'est le moment où Witte pénètre dans l’assemblée des Ministres « patriarcaux orthodoxes », Witte dont la personne et les actions renient le concept politique d’Alexandre III. Le comte Witte, ce Pierre le Grand en raccourci, se met énergiquement à l’œuvre, investi de la pleine confiance du Tsar. Il se procure des capitaux colossaux. Le budget enfle d’une manière fabuleuse. Le gouvernement attire les étrangers comme sous Pierre. On fonde des usines, on construit des chemins de fer. Vers 1890 la félicité financière est à son apogée, et le Tsar naïf peut ainsi payer largement la folle fantaisie de maintenir dans sa gaine de glace la « théocratie-moujik ». Puis c’est la débâcle : l’industrie a besoin pour s’épanouir de lois libérales, de main d’œuvre, de débouchés, mais nos lois civiles sont ineptes et archaïques. Les ouvriers ne sont autres que des paysans attachés à la glèbe ; le système barbare du passeport les prive de la liberté de déplacement ; la lutte du