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cœur «plein d’amour» devaient, d’après lui, rester à tout jamais soumis à la crainte de Dieu, de l’orthodoxie et du Tsar « adoré ». D’où toute une série de mesures préservant les paysans de la perte de leur physionomie de classe : la conservation de la commune, forme rurale archaïque ; la défense de distraire aucun lot de la propriété communale ; en un mot l’attachement des paysans à la terre. Jusqu’en 1861 les paysans appartenaient au seigneur ; tous sont maintenant des paysans d’Etat. A leur tête se trouve le seigneur-tsar : tsar qui sait défendre le peuple orthodoxe et sa foi, seigneur à qui l’on doit l’obéissance dictée, non par la crainte, mais par la conscience, parce qu’il est tsar et patriarche. Aussi s’établit une théocratie patriarcale médiévale défigurant et le vrai idéal théocratique — société religieuse bâtie sur l’amour et la liberté — et le vrai idéal étatiste — société fondée sur la contrainte pour le triomphe de la justice.

Une telle « théocratie-moujik » ainsi congelée avait besoin de protection contre les ennemis extérieurs et intérieurs-. Alexandre III, le bienfaiteur, le « père plein d’amour » est forcé d’entretenir un million de soldats. Ce n’est d’ailleurs point là comme en Europe une armée ordinaire servant franchement les grossiers intérêts matériels du