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voyait en Pierre l’Antéchrist. Il ne manque pas d’explications rationalistes à tout cela : la croyance à l’Antéchrist, dit-on, est une superstition, un effet du manque de culture et de lumières ; Pierre le Grand a reçu ce nom des raskolniks (les vieux croyants), et des orthodoxes les plus audacieux parce qu’il avait foulé l’église aux pieds, etc. Cela est, en effet, exact, mais il y a aussi de suggestives coïncidences. C’est le premier autocrate, c’est le premier Tsar, c’est-à-dire le premier empereur-pontife, que les couches profondes du peuple ont, dans d’inconscients soupirs d’horreur, appelé « Antéchrist », comme si ce en quoi le peuple croyait comme en la vérité suprême, s’était révélé à lui comme un mensonge suprême.

Elles sont parfois grossières, confuses, sauvages, ces légendes russes de l’Antéchrist. Mais en toutes on retrouve la même terreur du faux Maître, de l’Homme-Dieu, de l’homme qui prend la place dé Dieu et impose sa seule volonté sur la terre comme au ciel. Nous avons tout un « écrit » sur l’Antéchrist dont l’auteur, Vladimir Soloviev, est un penseur profondément russe, un homme religieux, un chrétien, mais d’une orthodoxie trèa douteuse. Malgré le cadre fantastique de son récit et les digressions qu’il fait sur sa route, l’auteur a traité son sujet avec un très grand sérieux et,