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actuels ne vont plus dans le peuple « avec les aigles », le paysan d’aujourd’hui est « plus éclairé »... Mais qui dira avec quelque précision jusqu’à quel point et dans quelle mesure est « plus éclairé » notre énigmatique « moujik » et s’il ne s’agit ici que de clartés ?

Bakounine a été, touchant le tsarisme, d’une extrême perspicacité. Mais il était de ces hommes qui passent subitement de la perspicacité à l’aveuglement. Il lui arrivait d’être invraisemblablement aveugle, et par contre aussi invraisemblablement perspicace et profond. Seul, il rompt, avec une surprenante audace, ce lien que personne n’avait jamais osé rompre entre les trois monstres : tsarisme, orthodoxie, nationalisme. Bakounine a parlé du tsarisme comme d’une conception dépassant les limites de l’église orthodoxe et du nationalisme, il l’envisageait comme une conception religieuse, « chrétienne » non cristallisée dans des formes d’une religion positive.

« Le peuple, dit-il, voit dans le tsar la représentation symbolique de l’unité, de la grandeur et de la gloire de la terre russe. Mais ce n’est pas tout : les autres peuples chrétiens, quand ils éprouvent quelque peine, cherchent leur consolation dans les récompenses d’outre-tombe auprès du Tsar Céleste, dans l’autre monde. Le peuple russe est par excellence