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de n’importe où et je ferai tout ce que vous voudrez...

Il parlait avec une résolution si tranquille que certainement il aurait exécuté ce qu’on lui aurait commandé. Je compris combien il est terrible d'exercer un pouvoir auquel on n’a pas droit et je me rappelai ces paroles : Malheur à qui séduit un de ces petits.

De chez moi il alla directement à la police pour se dénoncer comme déserteur et de là en prison. Peu lui importait : il n’avait rien à faire et ne savait où aller. Quelques mois après il m’écrivit de la prison une lettre qui serait un document précieux pour le futur historien de la révolution russe. C’était moitié un délire religieux, moitié une affiche révolutionnaire, et tout ensemble un cri furieux de possédé. On pouvait prévoir d’après cette lettre qu’il finirait mal — deviendrait fou ou se perdrait dans une émeute à main armée.

Alexandre Dobrolioubov et le matelot-déserteur sont deux extrêmes opposés qui se rencontrent, deux pôles d’une même force. Pour l’un le mouvement va de haut en bas, de la haute culture à l’élément populaire ; — pour l’autre, de bas en haut, de l’élément populaire à la culture. Ces deux mouvements se heurteront et de leur choc jaillira l’étincelle qui allumera l’incendie de la for