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— Dans le monde on m’appelait Dobrolioubov.

— Alexandre Mikhailovitch ! C’est vous ? Est-ce possible ?…

Il leva sur moi ses yeux aux longs cils, et me regarda attentivement avec un doux sourire. Je n’oublierai jamais ce regard, semblable à celui d’un mort qui ressuscite.

— Et voilà le frère Stefan, dit-il, en me montrant son compagnon.

Celui-ci était un mahométan malgré son nom chrétien. Etait-il même baptisé ? En tout cas il avait renié l’orthodoxie et croyait « à la véritable Eglise du Christ qui viendra bientôt ». Il regardait Dobrolioubov comme un prophète. Ils restèrent à dîner. Ni l’un, ni l’autre ne mangeait de viande et on leur fit une soupe au lait et du gruau.

De temps en temps pendant la conversation, frère Alexandre se tournait tout à coup vers moi et avec son sourire d’enfant me disait :

— Pardonne, frère, je suis fatigué de parler, taisons-nous.

Il s’ensuivait un long silence quelque peu pénible. Il baissait alors ses yeux aux longs cils et son visage simple, comme illuminé par une clarté intérieure, devenait d’une beauté extraordinaire.

Je ne doutais pas que je ne visse devant moi un saint. Comme dans les icônes, un nimbe