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sommes sous l’étendard du Christ et que nous servons un seul Dieu, Dieu d’amour. Que le peuple reconnaisse son âme dans notre pensée et sa voix dans notre conscience, alors il nous entendra, nous comprendra et nous suivra. »

« Tout à coup, devant l’estrade, raconte un témoin, se dresse un homme robuste, l’index tendu et il apostrophe l’orateur :

— « C’est toi le premier qu’il faut exécuter, traître ! Toi le premier qu’il faut pendre, infâme !... »

Mais au même moment un cri d’enthousiasme s’éleva de la foule et remplit la salle :

— « Tu es notre prophète, conduis-nous ! »

Soloviev ne devint pas le prophète du peuple russe. Il ne pouvait conduire les autres à l’action, car il n’y put conduire sa propre conscience. S’il avait été conséquent avec lui-même, — après l’exécution des régicides, il aurait renié l’autocratie orthodoxe, et se serait joint à la révolution. Il ne le fit pas. Il douta de l’empire russe, mais continua d’affirmer l’Empire Universel dans un des trois membres de la théocratie : Roi, Prêtre, Prophète. Comme si en réalité le vrai Royaume de Dieu ne se manifestait pas précisément par l’annulation des symboles : ce royaume crée des incarnations en faisant tous les membres de sa société également roi,