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voilà « le cri de repentir » prédit par Tchaadaev, qui, échappé de nos poitrines, remplit de son écho, si ce n’est le monde entier, tout au moins, la Russie entière.

Dans la littérature universelle, il n’y a rien de pareil à ce rire. Il ressemble à la convulsion d’une agonie, au terrible rire de la mort. Comme dans un gigantesque miroir toute la Russie nous a été reflétée ; mais au lieu de visages d’hommes, ce sont « des épouvantails décrépits » qui apparurent ; et l’âme morte de la Russie, l’âme du peuple enfant dans le cadavre de Byzance nous terrifia.

Le rire de Gogol est destructeur et révolutionnaire en même temps que créateur et religieux. La négation de la Cité Morte des humains est l’affirmation de la Cité Vivante de Dieu. Mais dans la négation et l’affirmation, le nouveau sentiment religieux de Gogol est trop inconscient, et la conscience religieuse trop vieille. Il voit ce qu’il faut maudire, mais ce qu’il faut bénir, il ne le voit pas ou ne le voit pas assez.

Or, lorsque la force de l'anathème ne correspond pas à la force de la bénédiction, le poids de l’anathème retombe sur celui qui maudit. C’est ce qu’il advint pour Gogol. Des ombres noires se sont étendues devant lui, parce que derrière lui il y